Selon Michel Giffard, « l’intuition est une perception rapide et spontanée d’une information sans l’attention consciente du raisonnement ».
Pendant des siècles, toutes les connaissances philosophiques, scientifiques, la perception du monde
et de l’univers par l’Homme ont trouvé leurs sources dans l’expérience intuitive. La suspicion vis-à-vis du cheminement intuitif, voir son rejet, est un fait récent. Sans doute le corolaire du développement de l’informatique, et de son avatar, l’intelligence artificielle.
Pour Henri Bergson, « elle (l’intuition) saisit une succession, …, une croissance par le dedans, le prolongement ininterrompu du passé dans un présent qui empiète déjà sur l’avenir. C’est la vision directe de l’esprit par l’esprit. Plus rien d’interposé, point de réfraction à travers le prisme dont une face est espace et dont l’autre est langage… Intuition signifie donc d’abord conscience, mais conscience immédiate, vision qui se distingue à peine de l’objet nu, connaissance qui est contact et même coïncidence. »
L’intuition serait donc la voie la plus directe vers la connaissance. L’expression verbale, le temps écoulé, seraient de ce point de vue autant d’obstacles dans l’accès à la connaissance, ici et maintenant.
Plus récemment, Albert Einstein s’exprime sur l’intuition dans une lettre destinée à un ami. Il écrit d’elle : « un bond se produit dans la conscience, et la solution vient à vous, et vous ne savez ni comment, ni pourquoi ».
Pour le grand scientifique, l’intuition serait une espèce de saut quantique, le passage d’un état d’énergie donné à un autre état d’énergie, de manière instantanée.
Alors, si l’intuition est un don pour les philosophes et les scientifiques, nous ne devons pas douter qu’elle devrait l’être aussi pour les professionnels de l’accompagnement que nous sommes.
Le temps joue souvent en notre défaveur, et il nous faut parfois très rapidement percer le secret de silences prolongés. Dans ce cas, quoi de plus adéquat que le flash instantané de l’intuition pour éclairer les ressorts d’une situation, souvent complexe ?
Comment l’intuition peut-elle être l’un des socles de la posture de l’accompagnant ? De quels outils se servir pour favoriser et susciter la réflexion intuitive ? Et, peut-être encore plus important, comment la personne accompagnée peut-elle utiliser son intuition comme une ressource supplémentaire ?
L’intuition compétence cachée de l’accompagnant
Aujourd’hui, il est évident pour la plupart des coachs qu’exprimer des sentiments, des émotions, des ressentis participe à la prise de recul sur les situations du client. Il en est de même dans certaines formes de thérapie. Ainsi, dans la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement, le passage de
la « rigidité psychologique » à la « fluidité
psychologique », le partage des émotions est au cœur du processus.
Pour quelle raison en serait-il différent pour les intuitions ? Si nous pouvons évoquer des émotions et des sentiments, pourquoi ne pas partager de la même manière des intuitions ? Et ce, d’autant plus
que les émotions sont souvent les précurseurs ou/ et les signaux d’une intuition sous-jacente.
Laisser leur place aux intuitions, les nommer, les exprimer, c’est donc simplement faire preuve de cohérence vis-à-vis de son client.
A chacun son saboteur…
Avez-vous déjà eu des instants de « flash » lucides… que vous avez balayés d’un revers de main aussi rapidement qu’ils étaient apparus ? Nous avons tous une grande capacité à faire du bruit pour ne pas entendre la petite voix qui tente de faire son chemin en nous.
Un des saboteurs d’intuition est la rationalisation à
outrance. Mais il en existe beaucoup d’autres : peur de se tromper, de ne pas savoir gérer d’éventuelles erreurs, peur de réussir (eh oui !!!), manque
de courage pour mettre en œuvre la solution apparue, croyances limitantes construites autour de l’idée d’intuition, doutes sur ses capacités de mise en œuvre, découragement, … Chacun les siens !
La modélisation de l’intuition dans les possibilités de changement
« Donner à voir », faire l’expérimentation de comportements et de modes de pensées, « autoriser » son client à faire ces/ses expériences est le cœur même du processus de changement en coaching et dans certaines pratiques thérapeutiques. A ce titre, l’intuition doit avoir sa place dans le panel des ouvertures créées pour le bénéfice du client.
Qu’y a-t-il de plus convaincant que de prouver à son/sa client/e que l’intuition est un risque parfois payant ? Comme toujours, si la personne que j’accompagne vient chercher « autre chose » que ses comportements habituels, savoir lui montrer les ressources de l’intuition fait partie des chemins de traverse possibles.
Être modélisant, en tant qu’accompagnant, nécessite de développer quelques « soft skills » : l’ouverture aux signaux faibles (extérieurs et intérieurs), l’acceptation face à l’erreur, la philosophie de vie que « tout ce qui arrive a un sens », l’écoute sans écoute. Sur ce dernier point, une erreur classique de l’accompagnant qui débute est de vouloir écouter les mots dans leurs moindres détails, quitte à chercher à tous les mémoriser, sans discernement. Ce faisant, il oublie alors d’écouter les non-dits, de repérer les signaux quasi-invisibles, d’examiner ce qui se passe dans la relation, et même de capter « les énergies » qui circulent.
Les alternances focalisation-défocalisation, l’autre-moi, précis-vague, … favorisent l’émergence d’intuitions. C’est une vraie gymnastique qui mobilise les ressentis, les émotions et (un peu) le cerveau.
Existe-t-il des outils d’intuition ?
Le véritable outil, c’est donc l’accompagnant : son corps, l’intelligence émotionnelle, ses expériences, … et la résonance qui va permettre d’amplifier ce qui surgit. C’est comme si le couple accompagnant/e-accompagné/e formait un instrument de musique qui allait exprimer ce qui se joue entre les deux, développant la vibration particulière constituée par la rencontre de deux êtres. Des images, des possibilités de changement sont alors prêtes à émerger.
L’intuition en œuvre devient aussi le signe de la sécurité, de la confiance et de l’alliance. Elle ne peut s’installer que si le client accepte de lâcher et de s’ouvrir en toute liberté.
Il existe des outils amplificateurs de ce « champ d’énergie » particulier : les supports projectifs en sont de bons exemples : cartes, dessins abstraits, modelages, personnages, Legos, … Ces outils mettent en jeu des mécanismes différents : régressions (pâte à modeler par exemple, ou marionnettes, …), symboliques et archétypaux (cartes, suivant leur thème, jeu d’échecs, dessins abstraits, …), émotionnels (dessins abstraits, danse du corps, …).
La liste n’est pas exhaustive. Quels sont vos outils qui vous permettent de vibrer et de faire vibrer les autres ?